Zabou the terrible

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samedi, septembre 30 2023

Le bon prochain pour tout bon samaritain

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Même si demain, on passera déjà certainement à autre chose avec la création de cardinaux puis surtout avec le synode dans la cathosphère, je reste surprise des débats qui ont agité le (petit) monde catholique sur les migrants suite à la venue du pape François. Oh certes, je n’ai pas encore tout vu et tout lu de sa visite – j’étais avec les scouts : il y a des missions à accomplir, même quand le pape vient à Marseille – pourtant ce que je peux lire de réactions sur les migrants !

Ce dont je reste surprise, c’est qu’il y aurait une bonne promotion de la vie – lutter contre l’euthanasie et contre l’avortement – et une mauvaise promotion de la vie : celle du migrant qui doit quitter son pays. Oh évidemment, ça part vite sur la question des capacités d’accueil… mais si ce que promouvait le pape François, c’était avant tout l’accueil prioritaire et primordial de la vie, de toute vie ? Et si ce que tenait le pape, c’était vraiment ce christianisme en tension – donc vivant ! – qui ne choisit pas, qui ne choisit rien ou plutôt qui choisit tout dans la logique de l’évangile. Il n’y a pas à choisir « la » vie plutôt qu’une autre, il y a à choisir "la vie".

J'ai lu de surprenantes interprétations qui feraient du "prochain" simplement celui qui est à nos côtés - ou peut-être même notre alter ego ? -, alors même que le pape nous appelle à lutter, dans une belle formule, contre le "fanatisme de l'indifférence". Et qui n'a pas vu ces cartes géographiques où, selon la distance avec nous et avec notre culture, nous nous sentons plus ou moins concernés par le drame qui touche un pays ? Soyons clairs : il est vrai que, souvent, pour des pays éloignés, on ne peut pas faire grand chose mais, déjà, l'on peut prier et puis qui sait ? Peut-être qu'une aide à apporter passera à portée de mains.

Mais, surtout.... d'où faudrait-il choisir notre prochain ? Rappelons que la parabole du Bon Samaritain est la réponse apportée par Jésus à la question "qui est mon prochain ?" après l'affirmation de l'amour à porter : "Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ton intelligence et ton prochain comme toi-même" (Lc 10, 27). Cette parabole ne montre pas deux hommes proches en train de s'entraider : elle nous montre un homme tombé à terre, roué de coups, et un homme qui n'avait rien en commun avec lui a priori, excepté leur commune humanité, qui se laisse simplement toucher, saisir aux entrailles. Et nous, comment pourrait-on rester insensible à côté d'un frère ou d'une soeur qui est en train de mourir alors qu'on pourrait lui tendre une main pour le secourir, voire le porter sur nos épaules durant quelques pas ?

Il faut arrêter avec le mythe du "bon pauvre" parfait : le "pauvre", c'est celui qui nous dérange de nos certitudes, c'est celui qui pue dans nos conforts odoriférants, c'est celui qui, par sa plainte, nous redit de ne jamais nous installer... Mais c'est surtout celui qui a besoin d'aide. 

Encore une fois, je ne dénie pas aux questions politiques le droit de se poser mais s'il y a une chose à laquelle nous appelle le pape François, c'est à attendrir notre coeur grâce au Seigneur afin de ne plus avoir le coeur dur mais, au contraire, de nous laisser toucher par les malheurs de l'ensemble de nos frères et soeurs : et cela, c'est inconditionnel. 

dimanche, juillet 23 2023

En reposant les choses : l’écoute dans le processus synodal ? – 2

 

« Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur. Leur communauté, en effet, s’édifie avec des hommes, rassemblés dans le Christ, conduits par l’Esprit Saint dans leur marche vers le Royaume du Père, et porteurs d’un message de salut qu’il faut proposer à tous. La communauté des chrétiens se reconnaît donc réellement et intimement solidaire du genre humain et de son histoire » disait la constitution conciliaire Gaudium et spes dans ses premiers mots, comme un signe de cette présence plénière des chrétiens, à la suite du Christ, au cœur du monde de leur temps. 

 

         Quel rapport avec le synode sur la synodalité ? Tout ou presque je crois ! En effet, avant tout, celui-ci est un processus d’écoute : écoute de la parole de Dieu d’abord, écoute de cette voix de fin silence soufflant au fond du cœur de chacun mais aussi écoute entre nous, hommes et femmes de bonne volonté et de ce « sens de la foi », ce sensus fidei dont tous nous sommes porteurs, richesse qui nous est propre et dont la tonalité spécifique manquerait si nous n’étions pas présents. Les différentes phases de ce synode manifestent les écoutes successives, qui manqueraient si nous n’en restions qu’à une simple écoute dans notre mouvement ou dans notre communauté, renfermés un peu trop sur nous-mêmes et non pas ouverts à l’Église universelle. Mais là encore, y sommes-nous si habitués ? 

 

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samedi, juillet 22 2023

En reposant les choses : un synode sur la synodalité ? – 1

 

         Voilà bien longtemps que je voulais écrire quelques mots au sujet du synode sur la synodalité. A vrai dire, j’aurais même beaucoup de choses à dire mais le temps me manque (ou en tout cas me manquera probablement) pour écrire toute la série d’articles que j’aimerais écrire sur le sujet tant il me semble qu’il y a de confusions. Il n’empêche que la parution successive d’un certain nombre d’articles récents attaquant pour certains non pas tant tel ou tel sujet évoqué par l’Instrumentum laboris que le principe même du synode me donne envie d’écrire au moins un billet (et plus si j’en ai l’occasion). 

 

         De fait, à en croire les internets catholiques, il faudrait être contre cet horrible synode ! J’exagère mais, en réalité, je ne crois pas qu’il s’agisse vraiment d’être pour ou contre : il s’agit d’un processus entrepris dans toute l’Église qui nous concerne, tous. Si l’on en est encore à se demander quel est notre avis à ce sujet, c’est peut-être que nous n’avons pas vu que nous étions concernés, en marche ensemble (sans mauvais jeu de mots car il s’agit bien de marcher ensemble), impliqués dans cette même démarche, occasion pour l’Église de se mettre à nouveaux frais à l’écoute de l’Esprit Saint pour réfléchir à sa manière d’être et de vivre l’annonce de l’évangile. 

 

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jeudi, juin 29 2023

Des trous dans la fraternité

 

         Cela aurait pu être ironique si c’était un récit et non pas le monde réel. 

 

Ce matin, je suis partie faire passer le bac, cet examen républicain par excellence, et en plus en Lettres, cette matière qui oriente si bien chacun vers le haut, vers ce qu’il y a de bon et de beau dans la vie. Contrairement à mes habitudes, ce n’était pas vers ma banlieue ordinaire d’enseignement que je me rendais, celle où la misère est trop souvent la compagne des jours, mais vers un établissement privé d’une banlieue chic : mystère des affectations pour les examens. 

 

         Pour m’y rendre, il fallait que je passe par des banlieues moins riches, moins calmes ce matin : et d’ailleurs, j’avais entendu une bonne partie de la nuit depuis ma fenêtre des tirs de mortiers, à quelques centaines de mètres de chez moi. Je ne savais que trop pourquoi. 

 

         Ce matin, je suis partie faire passer le bac et il y avait des bouchons là où, habituellement, ça roule. Connaissant le quartier, je pris des petites routes pour finalement me retrouver face au carrefour où cela bloquait : on ôtait une carcasse de voiture et les dégâts des bris de la nuit. Cherchant une autre route, je me dis dépasser par une voiture de pompiers : c’était qu’il y avait encore un feu par-là, une voiture en flammes. C’était impressionnant. Il fallut faire encore un détour... et un peu plus loin, c’est simplement le bitume que je vis qui était tout noir, comme s’il avait eu trop chaud et qui formait comme un trou : comme une brûlure sur celui-ci, et plus profondément, sans doute, comme le signe d’un trou dans notre fraternité. Cela m’a saisie d’un coup aux entrailles, comme si c’était bien cela qui éclatait aujourd’hui au grand jour : cette histoire, c’est la mort d’un homme mais c’est aussi la marque de notre société qui manque de commun. 

 

         Et puis, Nahel, ça aurait pu être un de mes élèves ou de mes anciens élèves, et je ne peux pas m’empêcher de me sentir concernée par ce qui est arrivé : quand on ne réussit plus qu’à tuer un autre ; quand on n’a plus les mots ; quand on n’a plus que les armes, d’un côté et de l’autre, que la violence pour dire, pour hurler, qui notre peur, qui notre haine. Et certains témoins des médias en rajoutent « ils sont comme ceci, ils sont comme cela ! » : vraiment, peut-on avoir un discours si péremptoire et si excluant ? 

 

         Si les actes de violence qui se déroulent sont inadmissibles, il ne suffit pas de les condamner. Il est urgent de rebâtir quelque chose de l’ordre d’une fraternité : Nahel, comme le policier qui a tiré, comme les jeunes qui cassent, comme ceux qui passent leur bac tranquillement sans s’en apercevoir sont frères et sœurs. Comment saurons-nous à nouveau tendre des mains de part et d’autre ? 

 

         Je n’ai que ma prière, je n’ai que mes mains et mon service de prof, rien de bien fort ou de bien triomphal. Du minuscule puissance grâce de Dieu. Mais peut-être que, si chacun s’active là où il est pour sortir de sa bulle, de son ghetto renfermé, peut-être que ces trous de la fraternité se combleront et germeront un peu mieux, un peu moins mal, en autant de bosses, voire de ponts. Avoir la bosse de la fraternité, voilà qui serait pas mal, non ?

 

 

lundi, avril 17 2023

Un discours versus une journée d'oraux

Un prof en 7ème semaine entre deux périodes de vacances, c’est toujours un peu miteux. Ca a des cernes, des copies en retard, des cours pas forcément toujours méga-bien ficelés avec l’activité-phare-au-top-du-top qui fera adhérer 100% du groupe classe, promis juré craché. Un prof en 7ème semaine, c’est un peu usé, ça réagit moins bien aux impertinences et aux manques de respect révoltés des ados. Ca cherche parfois ses mots, ça a envie de dormir, un peu, mais la fin de l’année est à l’horizon et « y a l’programme à finir ma bonne dame ». Alors, un prof en 7ème semaine, ça se lève plus tôt pour faire des photocop’ et pour prier mais spoiler laïcité

 

Chez nous, c’est le bac blanc oral de français, sur fond de dizaines de problèmes sociaux qui nous font compatir, de dysfonctionnements qui s’accumulent, des violences ordinaires à gérer, sans parler de la colère sociale liée à THE réforme. 

 

Puis, tu vois, toi là, qui me lis (oui, je te tutoie aujourd’hui, c’est comme ça, la journée a été longue donc je te parle en collègue ou en ami, à mon niveau, pardon si ça te choque) aujourd’hui, j’ai fait passer des oraux blancs : y en a qui ont séché mais, quand c’était le cas, c’était un peu open bureau des pleurs, comme chez mes collègues d’ailleurs, et j’ai écouté des trucs d’elle, puis de lui, puis d’elle. Tu écoutes, tu dis parfois un truc, tu orientes. Et tu ressors de ton 8h-18h avec mal au crâne mais aussi un peu mal au cœur parce qu’il s’est un peu plus fendu.  

 

Et le même soir, il y a eu un discours. L’excellence de l’école française ? Mes collègues et moi, on n’a pas franchement changé le monde, on n’a sans doute pas bien fait notre boulot selon nos grands manitous parce que c’est pas dans le « pacte » tout ça et puis vu que nos résultats au bac sont toujours calamiteux, qu’en dire ? Mais on était là. Alors, les discours grandiloquents sur l’école française, on a beau être respectueux, à vrai dire, ça nous passe un peu au-dessus... Comme tous ces propos sur la « mixité sociale » qu’il faudrait instaurer : sincèrement, la mixité sociale ? Où ça dans ma banlieue ? Quant aux promesses, certes, les collègues le diraient bien que les deniers ne sont pas rien, mais, sur le terrain, ni mieux, ni pire que quiconque, mais à côtoyer tous les jours l’humanité dans ce qu’elle a de plus fragile, nous, on voudrait simplement qu’on accomplisse notre rêve de petits profs de banlieue : arrêter de dégrader les conditions de travail pas tant pour nous que pour eux, nos élèves, cesser d’ajouter chaque année des élèves dans nos classes parce que ce serait pareil pour les accompagner individuellement (!), avoir plus de personnels et non pas être toujours en quête d’un remplaçant de telle ou telle matière ou à tel poste administratif... Bref, foin des longs discours mais un poil d’accompagnement supplémentaire pour les plus petits, pour les plus mal lotis, si c’était ça la vraie et seule excellence ? 

 

Et, en temps pascal, si c'était aussi là qu'il y avait comme autant de brindilles laissées pour compte à ouvrir à la résurrection ? 

 

dimanche, avril 9 2023

Pâques 2023

Belle fête de Pâques à chacune et à chacun de vous ! 

Christ est ressuscité, Il est vraiment ressuscité ! 

Les ténèbres ne sauraient nous garder : seul l'Amour nous gardera et nous sauvera. Alléluia ! 

 

Méditation au matin de Pâques sur Marie-Madeleine : 

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         Une femme, deux hommes et le tombeau du Christ : le décor est campé. A y regarder trop vite, on pourrait croire qu’ils font la course. En réalité, s’il y a bien une course, ce n’est pas tant celle des deux apôtres, c’est plutôt celle de l’empressement de l’amour. Et Marie-Madeleine en est la figure par excellence.  

 

Marie-Madeleine : cette femme dont on dit beaucoup de choses mais dont l’identité n’est finalement pas très claire. On sait que Jésus en a expulsé des démons, on l'associe parfois à la femme pécheresse qui vient laver de ses larmes et essuyer de ses cheveux les pieds du Christ ; certains, encore l'identifient aussi parfois à la sœur de Marthe et de Lazare. 

 

Mais ce dont nous sommes sûrs la concernant, c'est qu'elle a beaucoup aimé et qu'il lui a été beaucoup pardonné... et elle continue à aimer et c’est pour cela, je crois, que c’est à elle que Jésus se manifeste en premier, en tout premier. 

 

Quel bouleversement doit être le sien pour aller dès la fin du sabbat près du tombeau de celui qu’elle vient de perdre : comme un amour fou, un amour si grand qui veut demeurer là, dans la peine. Un amour portant le deuil : déchirant et en même temps vital. 

Quel empressement est le sien, vers les apôtres, quand elle craint qu’on ait volé le corps de celui qu’elle aime : Un amour donnant des ailes ! 

Quelle fidélité dans les pleurs... à être prête à aller chercher et récupérer le corps impur d’un cadavre : un amour qui donne toutes les audaces ! 

Quelle tendresse est la sienne, à reconnaître à travers ses yeux embués de larmes le Christ quand il l’appelle par son nom, comme nous reconnaissons les inflexions de voix chères quand elles nous appellent : l’amour entier et limpide de celle qui sait aimer entièrement, sans quelque restriction. 

 

C’est parce qu’elle a aimé sans retour sur elle-même, qu’elle a aimé en donnant tout ce qu’elle était, sans respecter même les limites de la convenance – mais l’amour doit-il connaître les limites d'une quelconque convenance ?-, qu’elle est devenue l’apôtre des apôtres, portant l’annonce de la résurrection aux autres disciples et, par là même, à tous. 

 

Alors, pour croire et vivre en témoin de la résurrection du Christ, il ne s’agit pas en réalité d’être un homme ou une femme, d’être Pierre, d'être l’autre disciple ou d'être Madeleine, ou encore d’être le premier au tombeau ;

Où est le Christ ressuscité ? Il est là où l’on aime. 

 

Ainsi, pour chacun de nous, il s’agit d’aimer comme Marie-Madeleine avec bouleversement, empressement, fidélité et tendresse parce que : 

C’est l’amour qui nous permet de voir l’amour, c’est parce qu’on se sait pardonnés, relevés et aimés, dépendants d’un Autre, plus grand, qu’on peut à notre tour aimer ; 

Quand notre monde semble être dans la nuit du tombeau, empli de toutes les morts que sont les injustices et les violences, seul reste l’amour contenu dans tous ces gestes, petits ou grands de relèvement, qui sont autant de signes lumineux de résurrection ; 

Quand nous ne savons pas comment vivre de la joie de la résurrection, comment porter en vérité le nom de chrétiens : regardons Marie-Madeleine pour nous inspirer ces vrais gestes qui sauvent vis-à-vis de nos frères et sœurs, bref pour nous apprendre à aimer à l’école de Celui qui nous a tout donné. 

vendredi, avril 7 2023

Prier au pied de la croix, comme autant de mystères douloureux

 

https://www.cathedrale-catholique-clermont.fr/wp-content/uploads/2020/03/Christ-roman1.jpg

Lever les yeux vers Toi, 

Contempler la détresse, l’horreur, la violence humaine ;

Penser à tous ceux que je connais et à tous ceux que je ne connais pas, 

A cette vaste foule de souffrants : 

Malades, violentés, victimes des pires injustices, 

A tous ceux qui souffrent, comme Toi. 

 

Lever les yeux vers Toi élevé en croix,

Portant le poids de nos péchés, 

Et égrener dans mon cœur tous leurs prénoms, 

Tel un chapelet de mystères douloureux ; 

Leur donner Ton visage, 

Les glisser dans Ton cœur, entre tes bras étendus entre ciel et terre, 

Pour que tu les prennes avec Toi, 

Pour que tu les fasse passer au travers des ténèbres de la mort, 

Vers la vie. 

 

Illustration : Christ roman du trésor de la cathédrale de Clermont-Ferrand

lundi, avril 3 2023

Une affaire de chair

 

         Récemment, comme souvent ou peut-être comme trop souvent, je me suis encore retrouvée dans le couloir assise par terre à côté d’une élève pour causer. On ne parlait même pas d’elle-même mais d’une autre avec qui on cause trop souvent aussi de cette façon parce qu’elle traverse des grosses galères. C’étaient ces dernières qui mettaient les nuages bien bas dans le cœur de la première, ainsi que dans nombre des nôtres de profs : comment soutenir ? Sans bien réfléchir, j’ai dit quelques mots sur le fait que c’était cette compassion qui nous rendait vraiment humains ; le fait de se sentir touchés soi-même à plein des malheurs d’un autre. En y réfléchissant, je n’y changerais pas grand-chose : c’est dans cette aptitude à être sensibles à ce qui touche la chair d’autrui que nous-mêmes devenons plus incarnés, plus humains. 

 

Or, ces derniers jours, il a été beaucoup question de chair la liturgie. A l’Annonciation, le 25 mars, on parle certes d’Esprit mais la grande affaire est bien charnelle : de l’inouï d’un Dieu qui prend notre chair et qui dépend pour cela d’une femme, de son accueil, de sa chair. Et que dire des liturgies dominicales qui faisaient se succéder des guérisons ? S’il y en a bien un qui se fait proche de la chair humaine souffrante, c’est bien le Christ. Quant aux Rameaux, n’est-ce pas la suite de l’abaissement de l’incarnation qui nous est montrée, bien plus que la seule « montée » vers Jérusalem ? Lire le prophète Isaïe en 1ère lecture nous le dit bien : «  J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe. Je n’ai pas caché ma face devant les outrages et les crachats. Le Seigneur mon Dieu vient à mon secours ; c’est pourquoi je ne suis pas atteint par les outrages, c’est pourquoi j’ai rendu ma face dure comme pierre : je sais que je ne serai pas confondu. » 

 

         Je repensais à cela, troublée que j’étais par le trop-plein de violence de certains sur les réseaux sociaux ces derniers temps – qui a limité par contrecoup ma propre écriture. 

 

Comme s’il devait y avoir des injonctions à choisir un camp, une option, une pensée au lieu d’être simplement chrétien ; 

Comme si l’on pouvait être un meilleur chrétien en mettant de l’ardeur à clamer une pensée en descendant celle de l’autre, parfois en jouant au jeu des amalgames faciles (qui nous guette tous, soyons-en conscients) ; 

Comme si l’essentiel n’était pas donné par ce critère de la charité qu’est celui de la chair :  nous faire infiniment proches de la chair souffrante du monde et choisir, voire re-choisir cette posture chrétienne fondamentale contre toute forme d’indifférence, contre toute forme d’idéologie, voire d’idolâtrie. 

 

Il est vrai que cette posture n’est jamais triomphaliste, qu’elle n’est jamais bien sûre d’elle-même et laisse inquiet, qu’elle peine parfois à s’orienter, prise dans les larmes qu’elle est, mais elle ne choisit pas autre chose que se tenir là, auprès des plaies béantes de notre monde, connues ou méconnues, et cherche à les tenir ensemble, sans en oublier. 

Sa seule espérance n’est ni de droite, ni de gauche : elle se célèbre en particulier cette semaine et ça la ravive  même profondément puisqu’elle a nom résurrection. 

 

 

jeudi, mars 2 2023

En chemin avec Sa miséricorde

Pour notre chemin de Carême sur lequel nous pourrions parfois être tentés de désespérer de nous voir si souvent à terre plutôt que de courir joyeusement à la suite du Seigneur, voici ce qu'écrit Basile de Césarée, sur la miséricorde : 

Souviens-toi des miséricordes de Dieu, qui soigne avec de l’huile et du vin. Ne désespère pas du salut. Remets-toi en mémoire ce qui est écrit : celui qui tombe se relève et celui qui se détourne se convertit ; celui qui a été frappé est soigné, celui qui a été pris par les bêtes les domine, celui qui avoue n’est pas rejeté. En effet le Seigneur ne veut pas la mort du pécheur, comme il veut qu’il se convertisse et qu’il vive. Ne fais pas le dédaigneux, à la pensée que tu es tombé dans un abîme de maux. C’est le temps du relèvement, le temps de la longanimité, le temps de la guérison, le temps du redressement. Tu as glissé ? Réveille-toi. Tu as péché ? Apaise-toi. 

Basile de Césarée, Lettre XLIV 

 

P.S. : Aujourd'hui même, ce blog a 18 ans ! Eh oui ! Il est enfin majeur... Je pourrais écrire de nombreuses choses. Mais, en dehors de vous remercier vous tous qui passez ici (MERCI !), j'aimerais surtout rendre grâce au Seigneur de tout ce que ce blog a permis comme rencontres. Quant au reste, ce billet qui parle de la Miséricorde de Dieu suffit : qu'y a-t-il de plus important que savoir qu'Il nous aime toujours infiniment ? :-) 

 

mercredi, février 22 2023

Des choix de carême à rebours

 

Aujourd’hui, il est probable que le monde chrétien bruisse d’« efforts » de carême. Certes, c’est de saison le mercredi des Cendres et l’on aurait mauvaise grâce à n’en point parler. 

 

         Peut-être est-il cependant risqué d’aller trop vite à parler de l’effort, du choix, des projets, fulgurants ou à notre petite mesure, que nous avons pour ce temps béni, pour ces quarante jours offerts jusqu’à Pâques. À trop centrer sur l’effort ou sur les efforts, n’y a-t-il pas le risque de nous chercher nous-mêmes, de nous dépasser, comme le serait un programme de remise en forme spirituelle ? Bien sûr, il y a du bon à se tenir en forme, qu’elle soit physique ou spirituelle, mais il me semble qu’il faut prioritairement prendre les choses à rebours et considérer le pourquoi ou tout au moins le « pour qui » nous le faisons. 

 

         Avant de parler de moi, de ma personne, de mes petits efforts que je vais mener tambour battant (et dont je lâcherai peut-être certains dans une semaine si j’ai visé trop haut), peut-être convient-il en effet de parler du Seigneur.

 

         Et si, le Carême, c’était avant tout repérer les endroits de nos vies qui rendent notre relation à Dieu plus opaque – ce qui, notons-le bien, opacifie bien souvent également notre relation à nos frères et sœurs, et réciproquement – ? Vous savez toutes ces choses de nos vies qui prennent de la place, trop de place, et qui peuvent même devenir nos idoles à Sa place si nous s’y prêtons pas garde. Toutes ces choses où je me cherche finalement moi-même, plutôt que Lui. 

 

         À partir de là, le chemin de carême peut s’éclairer et l’on peut choisir ce qui pourra nous aider à débroussailler ces ronces opaques : peut-être que ce sera du « en + » à faire, à mettre en place ; peut-être que ce sera du « en - » à laisser faire ce qui, dans nos sociétés si rapides et overbookées ne serait pas si étonnant. 

 

         En tout cas, quoi qu’on fasse, qu’on le fasse pour Lui et pour continuer ensuite encore mieux notre chemin ! Et que, dans cette optique, Il rende votre carême lumineux : bon carême ! 

 

dimanche, février 5 2023

Méditation sur l'évangile de ce dimanche, sur la lumière et sur le sel

(Version courte pour le blog)

« Vous êtes la lumière du monde, vous êtes le sel de la terre »... qui n’aime pas ces belles invitations ? 

C’est vrai qu’on se sent tout ragaillardis par ces paroles : quand on croit, on a parfois envie d’aller partout pour porter la Bonne Nouvelle, d’être comme le lampadaire rutilant du Seigneur partout. Cela est beau et cela est bon... Mais ces images sont-elles si évidentes ? 

 

Car en écoutant cet évangile, la tentation serait d’être sûrs de soi et vouloir briller, alors même que st Paul lui-même dans la 2ème lecture disait être « faible, craintif et tout tremblant » quand il parle du Seigneur. 

 

Être la lumière ? Ce n’est pas si simple : Une lumière trop forte, ça éblouit, ça brûle ! Et même après quand on s’est pris un flash trop fort, on ne voit plus rien. 

Quant à un plat trop salé... beurk : c’est immangeable, on a envie de tout recracher. 

 

Ca nous invite un peu à ralentir avant de partir tout feu tout flamme ou plutôt toute lumière et tout sel. 

 

Mais en même temps, sans lumière, on ne voit rien, on est dans le noir le plus profond ; 

Et sans sel, les plats deviennent fades et il faut trouver d’autres saveurs pour essayer de donner du goût ! 

 

Je crois que la clé et de la lumière, et du sel, nous est donnée dans la 1ère lecture du livre d’Isaïe : « Ainsi parle le Seigneur : Partage ton pain avec celui qui a faim, accueille chez toi les pauvres sans abri, couvre celui que tu verras sans vêtement, ne te dérobe pas à ton semblable. Alors ta lumière jaillira comme l’aurore,  et tes forces reviendront vite. » 

 

C’est une fois qu’on a aimé son frère et seulement dans ce cas-là que la lumière peut jaillir. La vraie et juste mesure de la lumière que nous avons à porter de la part du Seigneur, la juste mesure du sel que nous avons à être de la part du Seigneur, c’est la hauteur d’homme ou à la hauteur de femme : c’est seulement quand on aime son frère qu’il peut y avoir de la lumière. Non dans les hauteurs, mais à hauteur humaine. 

 

Et cela, nous pouvons le vivre quand nous apprenons à nous laisser travailler par le Seigneur, à écouter sa Parole : comme dans cet évangile où les disciples sont réunis autour de Jésus à l’écouter, et notre passage du jour se situe juste après les Béatitudes, cette « charte » du Royaume de Dieu, comme nous chrétiens, à chaque fois que nous nous réunissons autour du Seigneur, autour de sa Parole et de son eucharistie. 

 

D’ailleurs, tant qu’on n’aime pas son frère, tant qu’on ne l’a pas reconnu comme tel, il fait nuit. 

Et dans notre monde, il y en a bien trop des nuits  : 

Tant qu’il y a de l’injustice, de la haine, il fait nuit ;

Tant que les hommes se déchirent et ne se reconnaissent pas comme frères, il fait nuit 

Tant qu’on oublie que notre planète souffre et qu’on continue à vivre comme si de rien n’était, il fait nuit ; 

Tant qu’on se croit auto-suffisant, tant qu’on croit qu’on peut se sauver tout seuls en oubliant les autres dans notre petit confort, il fait nuit : 

Chaque petit geste de fraternité est une étincelle de lumière... et c’est le Seigneur qui peut nous donner de l’apporter. 

 

Et ce qui est beau avec cette lumière, c’est qu’elle grandit, comme lors de la Vigile Pascale, quand on se passe cette lumière les uns aux autres : petite étincelle apportée au tout... Ce sera la lumière douce et bienfaisante, qui nous consume intérieurement et nous encourage, qui réchauffe le monde, sans jamais nous blesser. C'est ainsi qu'on peut tout transformer avec la grâce de Dieu, comme le disait Origène : l’Église, c’est le monde quand il est illuminé par le Sauveur. 

 

Bon dimanche donc, à être non pas les lampadaires glorieux mais à être les lampes de poche du Seigneur, des petites lampes tout-terrain qu’on peut emporter partout là où nous vivons, où nous travaillons, où nous servons.

Bon dimanche, donc, à être ce sel qui conserve humblement mais sûrement toute sa saveur à l’humanité et lui donne de se tourner vers le Seigneur ;  

Bon dimanche à être ces simples petites étincelles du Seigneur qui réchauffent le monde, ensemble, pour qu’il fasse un peu moins nuit. 

mercredi, février 1 2023

D'une parole libre avant que la parole ne se libère : in memoriam

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         Cela fait 10 ans aujourd’hui qu’un des prêtres ayant compté dans ma jeunesse est décédé et je dois dire que je ne peux que penser à lui ces temps-ci, très souvent. Pourquoi ? Parce qu’il fut abusé dans sa prime jeunesse, quand il servait la messe. 

 

         Je ne pense pas tant à lui parce que c’est une horreur de plus que parce que, à une époque où la parole ne s’était pas encore libérée, je me souviens de sa manière de nous en avoir parlé, à nous servants d’autel qu’il accompagnait, à tous les plus grands à partir de l’adolescence : à la fois en vérité, sans aucun voyeurisme, mais avec pudeur : que ce mal était possible, qu’il blessait plus qu’horriblement, que cela marquait à vie. Et, dans le même temps, que, dans son histoire, le Seigneur était plus fort que cette mort intime et qu’il Le servait comme prêtre, dans le même diocèse où il avait été abusé : dans ce mal qu’il nous confiait, il y avait aussi cette lumière incroyable dont il témoignait. Sans grands mots, jamais : dans la simplicité. Il faisait preuve d’une belle écoute, d’une prière pudique, un peu secrète, qu’on devinait avec une fidélité du quotidien même dans les tourments de la maladie, jusqu’à son dernier souffle. 

 

         Oh, certes, c’était loin d’être un homme parfait : ses coups de gueule sont restés célèbres et, sans doute, s’il avait vécu aujourd’hui, il en aurait poussé de plus gros. Parfois, il m’arrive même de les imaginer avec un grand sourire ! Mais c’était bien ainsi qu’il était aimé des paroissiens et des jeunes et qu’il les aimait, avec affection et exigence. 

 

         Pourquoi est-ce que j’en parle maintenant au-delà de l’anniversaire de ce décès ? Parce que je me dis qu’avoir entendu cette histoire dès mon jeune âge m’a rendue sensible à toutes les révélations qui tombent depuis plus d’un an, m’a préparée, m’a « sensibilisée » au sens allergique du terme et que c’est extrêmement précieux. Comment être prêt à dire "non" si nécessaire dans une Église que vous aimez ? Comment se préparer à écouter celui ou celle qui vient vous confier l’inimaginable ? Il n’y a sans doute rien de mieux que la parole, libre et vraie et cela dès l’âge où nous sommes aptes à l’entendre : cela n’enlève rien à l’amour du Christ et de l’Église, cela rend simplement aussi sensible qu’exigeant. 

 

Merci, père Claude Thibault pour cela comme pour le reste : je suis sûre que, là-haut, le Seigneur a essuyé toute larme de vos yeux... et que vous intercédez aussi pour que toute cette vérité se fasse au service d’abord des plus souffrants, pour le bien du plus grand nombre. 

 

 

 

dimanche, janvier 22 2023

Dimanche de la Parole de Dieu - Une lumière s’est levée

 

            Dimanche de la Parole de Dieu, entendre en écho la première lecture : « une lumière a resplendi » ; et l’évangile citant cette même parole d’Isaïe, « une lumière s’est levée ». 

 

Avec le Christ, la lumière s’est levée et plus jamais elle ne s’est éteinte ; 

Et plus jamais, elle ne s’éteindra, et pour toujours elle resplendit.  

 

Quand nous ne savons pas, ou plus, Le voir, 

La Parole de Dieu est cette lumière sur le chemin ; 

Cette lumière qui éclaire, qui illumine, qui réchauffe, qui brûle intérieurement, 

Qui nous fait Le rencontrer, 

Qui donne la clarté pour discerner, 

Qui impulse l’élan et la confiance pour poser un pas de plus. 

 

Elle n’a jamais à devenir notre objet et à se retrouver bible fermée qui prend la poussière, 

Mais elle a à devenir toujours plus le lieu que nous fréquentons,

Pour, progressivement, y demeurer, 

Afin de vivre, lumineusement, 

Afin de vivre, vraiment. 

 

dimanche, janvier 8 2023

Une bonne année sans les mots pour le dire

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(Source : Pixabay)

Longtemps sans écrire ici, manque de temps ? En partie mais pas seulement : mon dernier billet avait été écrit afin de prier pour l’assemblée plénière des évêques et depuis, eh bien, il est vrai que trouver les mots dans la situation si complexe n’a pas été simple (surtout quand les jours à côté sont chargés et que des travaux intellectuels occupent une bonne part de l’encéphale  !) tant ils manquent pour exprimer avec finesse et délicatesse, en vérité et en charité, tout ce qui nous habite face à ce que je nommerais « tout ça ».

 

À vrai dire, j’avais bien commencé des billets plus légers, des petits bouts de choses accueillies au quotidien, recherchées spécialement durant l’Avent, comme des lueurs qui me parlaient de Lui : Il n’a jamais manqué, vraiment, et au cœur des nuits j’ai vécu un bel Avent. Mais, l’écrire ? Pour une fois, le cœur n’y était pas, a fortiori quand la rudesse de la situation doublée des mots des réseaux sociaux donnent une irrépressible envie de douceur et de fraternité chrétienne : et même si cet espace cherche à être préservé, loin des « clashs » (même si cela n’y empêche pas quelques coups de gueule), il reste lié à cet outil si puissant.

 

Mais Noël est passé et voici l’an neuf : il est quand même temps de réveiller ici. Pourtant, là encore, les mots me manquent pour souhaiter une bonne année 2023 (et pas seulement parce que j’attends incessamment sous peu la livraison de mes cartes de vœux que je n’ai pas encore commencé à rédiger!). Que souhaiter quand l’horizon du monde semble sombre, quand bien même la joie et la foi sont toujours gracieusement là ? L’espérance, certes, mais la vraie espérance ne saurait être un hochet réconfortant : elle est exigeante ! Aussi je souhaite certes à tous de savoir la saisir, l’accueillir, la vivre et la faire grandir en et autour de soi. Mais cela saura-t-il s’adresser reellement au plus grand nombre ? Peut-être ou peut-être pas.

 

Bref, je ne saurais sans doute pas vraiment vous dire « bonne » année 2023 mais je crois que je peux souhaiter à chacun de vous de savoir accueillir quotidiennement la lumière donnée chaque jour par le Seigneur pour éclairer votre chemin, de la contempler avec gratitude afin d’en être rayonnants de l’intérieur, de la laisser nous « agir » selon le mot de Madeleine Delbrêl : pour que nous fassions en sorte que cette année soit vraiment « bonne », pour les autres et pour nous-mêmes. 

 

mercredi, novembre 2 2022

Prière pour l'assemblée plénière des évêques

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Seigneur, envoie ton Esprit Saint sur nos évêques qui se réunissent à Lourdes en assemblée plénière ; 

Donne-leur particulièrement l’Esprit de force : pour regarder en face la vérité, si dérangeante soit-elle et pour poser des actes courageux bien plus forts que de simples et belles communications ; 

Donne-leur aussi l’Esprit de conseil : qu’ils sachent discerner des décisions judicieuses accordées à Toi et non pas celles qui veilleraient à sauvegarder les apparences d’une institution qui, sans Toi, de toute façon, n’est rien ; 

 

Envoie à l’ensemble de Ton Église ton Esprit Saint, Ton Esprit de vie, vraiment pleinement ! N’aie pas peur de souffler pour que s’éloignent toutes les odeurs macabres nauséabondes que nous répandons et pour que nous brûlions du vrai feu de la charité qui nous pousse toujours à l’exigence, en avant ! 

 

N’oublie surtout pas, Seigneur, en envoyant Ton Esprit, d’activer le don des langues : nous crevons d’entre-soi et de silence ! Viens à notre aide ! 

 

Que reviennent ceux qui sont loin

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        Ayant aimé avec passion Des Âmes simples j’ai immédiatement craqué en voyant la parution d’un nouveau roman de Pierre Adrian : Que reviennent ceux qui sont loin

 

         Le thème est moins directement spirituel : il ne s’agit pas d’un vieux curé des Pyrénées et d’une abbaye perdue et accueillante à quiconque mais le talent reste le même pour camper une atmosphère d’une belle densité qui conserve un degré certain de pudeur. De plus, il s’agit du récit d’une expérience que nous pouvons tous faire à notre mesure, même si nous n’avons pas de maison de famille bretonne en bord de mer : ce retour chez les siens et l’expérience du temps qui file, insaisissable, inarrêtable. Évidemment, pour qui a connu ces grandes maisons qui vivent l’été avec leur tablée de cousins et leurs histoires à hauteur d’enfance, le récit prend encore plus de chair. 

 

         C’est l’histoire du narrateur qui, arrivé à la trentaine et après plusieurs étés de jeune adulte à rêver d’ailleurs plus luxuriants, choisit de retourner passer août dans cette maison où il a tous ses souvenirs estivaux et tant de famille. 

          C’est un simple récit de retour, dans ce qu’il a d’ordinaire et d’extraordinaire, de personnages qui vieillissent, d’autres qui grandissent, de générations qui se succèdent, de choses qui demeurent comme elles ont toujours été et qui voient les hommes passer. Mais le temps s’écoule ainsi que le sable et vient redonner, grâce aux grains de sable qui demeurent malgré tout collés, du relief aux jours d’antan où l’on s’ignorait si heureux. 

          C’est un présent doux et sans illusion – sans amertume cependant non plus – qui mesure l’écart avec le passé mais apprend à savourer l’aujourd’hui, à le redécouvrir avec des yeux d’adulte et à s’enraciner dans là d’où il vient, comme réconcilié avec le petit garçon qu’il fut et avec l’adulte qu’il apprend à être pleinement, en endossant le rôle d’oncle. 

         C’est comme un souffle tendre qui émeut malgré toute la retenue qui y figure et qui nous donne à notre tour les yeux un peu brouillés, nous renvoyant malgré nous à nos étés d'hier et à ceux qui en sont définitivement partis. 

 

dimanche, octobre 30 2022

Zachée et la juste taille

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         L’histoire de Zachée, le petit homme, se déroule à Jéricho, ville certes célèbre pour ses palmiers mais aussi parce qu’elle est la ville la plus basse du monde. Petit, l’homme l’est dans ses actes aussi, prêt aux bassesses du détournement d’argent. 

 

         Et pourtant il est plein de ce désir vraiment très grand : voir Jésus, voir Dieu qui sauve. Et, pour le voir, il lui faut s’extraire de la foule qu’il connaît et qui le connaît trop bien et prendre de la hauteur, un peu, pour voir autrement. 

 

         Mais, à peine vu, Jésus lui demande de redescendre immédiatement ! 

S’il faut parfois prendre un peu d’écart et de hauteur pour parvenir à voir Jésus dans nos existences, c’est toujours au cœur de notre vie que nous sommes appelés à Le rencontrer. 

Car c’est toujours à hauteur d’homme et dans nos existences, si basses semblent-elles, qu’Il veut demeurer. 

Pour nous aider à nous convertir, pour nous aider à grandir à notre juste taille humaine, appelée à la sainteté. 

 

vendredi, octobre 28 2022

Sais-tu le silence ?

 

         Dans les offices monastiques, il y a toujours du silence : un beau silence, un silence plein de densité, du côté des moines comme du côté de leurs hôtes. 

 

         Ce n’est pas que les gens se font la tronche ou qu’ils ne savent pas quoi se dire, encore moins qu’ils se cachent des choses. Ou plutôt, ce n’est pas tout à fait qu’ils se cachent, ils sont pleinement présents, c’est que ce silence est révélateur de quelque chose de plus profond. Un silence extérieur qui révèle en intérieur une écoute, un babil amoureux, parfois suppliant, un colloque avec Celui qui est au plus profond de nous-même : un espace, un temps, un blanc juste pour le Seigneur. 

 

          Et, dans ces offices, le silence des uns veille sur le silence des autres, qu’on y soit pleinement ou parfois un peu distrait, pas franchement présent, avec l’esprit qui rêvasse. Ce n’est pourtant pas le silence contraint d’un groupe avec un enseignant pour dire « chut les enfants » ou le silence mêlé de nos réseaux qui bruissent : c’est plutôt le silence des amoureux qui savent qu’il y a du temps à savourer simplement ensemble. Là, le silence amoureux s’est répandu et se garde comme un cadeau à s’offrir les uns aux autres avant de chanter, de parler ou de repartir dans le vaste monde : il est une source que tous s’entraident à garder la plus désensablée possible, l’oasis pour savoir mieux traverser les déserts de nos existences. 

 

         Et demain, je repartirai vers ma vie quotidienne pleine de ce beau silence qui viendra faire résonner autrement mes paroles et mes gestes, en les accordant un peu plus justement à Lui. 

 

Écouterons-nous leur cri ?

 

Au sujet de J’écouterai leur cri – cinq regards de femmes sur la crise des abus

 

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         Un livre qui prétend avoir tout compris sur la « crise des abus » et savoir comment la résoudre ? Non, il s’agit ici avant tout d’un livre d’amitié : amitié des autrices et auteur – les xavières ont élargi leur parole à une femme laïque et à un jésuite –, désir d’entrer dans une relation d’amitié avec les victimes comme le souligne dans son chapitre Agata Zielinski. Une amitié qui commence par l’écoute plénière des cris des victimes : c’est d’ailleurs à une victime devenue témoin, Patrick Goujon, qu’est confiée la préface. 

 

         Ici, on ne cherche pas à donner des leçons, on cherche à écouter, à constater des manques et des failles comme autant de lieux pour construire. On apprend aussi de la multiplicité des points de vue ici présentés : une théologienne, une criminologue, une philosophe, une bibliste, une doctorante en théologie anciennement au service de la CEF pour chercher à écouter au pluriel. C’est ainsi que leur propos prend tout son relief, osant poser de vraies questions, toujours écrites à la première personne du singulier comme des réactions au rapport de la CIASE : sur notre théologie du mal, sur la justice réparatrice, sur une lecture biblique qui n’instrumentalise pas le texte mais le laisse nous éclairer et même nous interpréter nous-mêmes, sur le fait d’oser nous reconnaître vulnérables et faillibles, sur la nécessité de cesser de nous concevoir comme Église comme une « société parfaite ».

 

Je pourrais relever de nombreuses pépites tout au long de ces pages – j’en ai d’ailleurs gardées de nombreuses pour moi-même – mais je vous invite surtout à lire à votre tour cet ouvrage. Pourquoi ? Parce qu’ici, l’on trace des pistes : on espère que celles-ci sauront être saisies plus largement par tout le peuple de Dieu pour avancer ensemble, en osant laisser toutes les périphéries et y compris les victimes, au centre d’une Église renouvelée. Alors, osons nous y engager !


J'écouterai leur cri, aux éditions de l'Emmanuel : c'est par là >>

jeudi, octobre 27 2022

Pauvreté(s) et grâce(s)

 

         Il y eut vendredi une visite à mon vieux confesseur en maison de retraite, peinant à se remettre d’un méchant zona qui le fatigue et nos discussions, courtes mais simplement pleines de Dieu : pauvreté pleine de grâce. 

         Il y eut samedi la joie d’une consécration dans l’ordre des vierges mais qu’est-ce d’autre finalement que la pauvreté humaine s’offrant simplement tout entière au don de Dieu pour en rayonner ? Pauvreté pleine de grâce. 

         Il y eut dimanche l’évangile du Pharisien et du Publicain et ce dernier capable de se reconnaître pécheur pour demander la grâce de Dieu : pauvreté pleine de grâce

 

         Il y a toutes ces révélations dans notre Église... Il me semble que ce n’est qu’en acceptant de nous reconnaître pauvres et vulnérables, faillibles, et non en nous cantonnant dans notre superbe façon tour d'ivoire que nous saurons vraiment ré-accueillir la grâce de Dieu, sans laquelle ni notre Église ni nous-mêmes ne sommes rien. 

 

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